CHAPITRE 1
Il a fait beau, ce jour-là, presque trop. Les chênes et les érables du quartier s'agitaient, alors qu'il n'y avait pas un souffle de vent. Des fleurs d'érables tombaient, tourbillonnantes, avant de s'écraser par terre. Dire que d'ici deux jours, tout serait fini. Alors qu'aujourd'hui, le soleil brille, pas un seul nuage. L'herbe calme, au sol. Le brouhaha des gens, assis devant leurs portes. Le bruit des trains, qu'attendent des dizaines de personne. Le "Quartier Vert", le quartier où j'habite, sera détruit d'ici deux jours. Ils vont tous nous reloger. A peine vingts mètres plus loin, même si cela semble des kilomètres. Tous ces gens sont nés dans ce quartier. Mais le pire, c'est qu'il vont détruire les arbres. C'est pour cela que notre quartier s'appelle "Quartier Vert" : il y a plus d'arbres que nul part ailleurs. C'est triste. J'imagine notre quartier, transformé en une série d'immeubles gris et ternes. "Alice !" Un cri me sort de mes pensées. Je me retourne, je sourit à Mirya, ma meilleure ami. On est toutes les deux nées ici. On a été voisines pendant 15 ans, maintenant. On le sera toujours, mais dans un immeuble de dix étages, sans jardin. Sans arbres…
"-Tu as vu ? fait-elle en m'agitant un papier sous le nez. Ils prévoient une visite des futurs logements !
-Tu es bien la seule que cela ravit, dis-je. Personne ne veut partir !
-Oui, mais regarde en bas du papier !!!"
J'attrape le fameux papier, je lis : "Protestation, demain, 15 heures, Quartier Vert". C'est fantastique ! Ce sont sans doute des gens du quartier qui ont imprimés les prospectus. Ici, tout est surveillés, les moindres faits et gestes. Il faut que les Postiers lisent les lettres avant de les envoyer. C'est obligatoire, et ils ont le droit de censurer des lettres, ou de ne pas les envoyer. Cela arrive très peu, parce que très peu de personnes envoient des lettres, à part si c'est pour quelqu'un d'une autre Ville.
"-Alors, tu viendras ? s'impatiente Mirya.
-Et comment ! Ils faut prévenir tout le monde, non ?
-Ce ne sera pas la peine, les papiers ont étés déposés dans chaque boîte aux lettres du Quartier. Tout le monde est au courant !!!
En effet, je m'aperçois que le quartier est en effervescence. C'est magique, que tout se sache. Les ragots vont vite, même les plus petits et les plus inintéressants. Tous les soir, tout le monde sort dans la rue, échanger les dernières nouvelles. Dans ce quartier, tout le monde se connait. J'adresse un signe de la main à Carole, ma mère, qui gronde Nikos, mon frère, pour une tache d'herbe sur son pantalon. A mon avis, ma mère a plus eu peur pour l'herbe, que pour mon frère quand il est tombé. Je ricane. Mirya penche la tête, pour me demander ce qui se passe. Je secoue la mienne, je dois rentrer, ma mère m'appelle.
"-Je dois y aller, à demain ! fis-je à Mirya.
-Moi aussi, à demain, répond-elle. 15 heures, n'oublie pas ! me lance-t-elle avec un clin d'oeil.
Je souris et je rentre. Demain sera un beau jour. On a mangé avant de sortir, maintenant, c'est tout le monde au lit. Nikos crie, il ne veut pas dormir, il veut rester dehors. Je soupire. Je mets mon pyjama, je me couche. Ma dernière pensée est une fleur d'érable, tombant doucement devant une porte d'immeuble...